OVNI Approche #22, 1980 (Source : SCEAU / Archives OVNI)

Si un grand garçon dégingandé, habillé sans recherche, le cheveu noir en bataille et une féroce ironie dans l'oeil vous aborde au détour d'un congrès ufologique, ne cherchez pas, c'est Dominique CAUDRON

- Quel est ton secteur d'étude personnel?

- C'est très large. Je cherche à définir ce qu'est l'ufologie. En y réfléchissant, cela apparait sous un aspect très différent de l'ufologie conventionnelle. Souvent, l'ufologue ne se rend pas bien compte que son objet d'étude doit être les objets identifiés et non les reliquats non identifiés! Au fond, tout ufologue cherche à identifier un nouveau type de phénomènes.

- C'est là une position paradoxale. On s'intéresse toujours à ce reliquát!

- Erreur fondamentale, dans la mesure où ce reliquat est un fourre-tout d'observations non seulement très disparates, mais qui mettent souvent en jeu des phénoménes simultanés, c'est-à-dire que le témoin n'a pu identifier, non seulement les phénomènes en question, mais encore ceux dus à la perception et qui altèrent l'information.

- Je constate que tu as construit un certain type de matériel équivalent au SIMOVNI du GEPAN, mais avec des moyens financiers infiniment plus modestes…

-Mon idée fondamentale a consisté à éliminer les altérations dues à la transformation de l'information visuelle en information verbale, et à mesurer directement une reconstitution optique du phénomène avec les mêmes paramètres que s'il s'agissait de l'objet réel.

- En quoi consiste le processus?

- En suivant les indications du témoin, on s'efforce de reconstituer une image aussi similaire que possible de son observation; le témoin vérifie lui-même cette similitude. Il faut prendre quelques précautions: par exemple, le témoin a tendance à reconnaître la première image, pourvu qu'elle ressemble vaguement à l'objet !

- Peux-tu nous décrire le matériel utilisé ?

L'image lumineuse d'une source de lumière-la lampe de poche-est modifiée par un cache indiquant la forme de l'objet et un jeu de filtres colorés. L'effet de flou peut être obtenu avec une feuille de papier calque, et en faisant varier la distance, on obtient une variation du diamètre angulaire de l'objet. L'intensité de lumière correcte est ajustée par un rheostat. Pour un appareil plus perfectionné, on peut faire varier continument taille et luminosité en formant l'image à l'aide d'un objectif d'agrandisseur muni d'un diaphragme; cela permet de ne pas modifier la température de couleur. Dans ce cas, en projetant sur un écran translucide, la variation de mise au point permet l'impression de plus ou moins grande netteté. On peut alors présenter une image à l'infini en plaçant l'écran au foyer d'une lampe (lentille de Fresnel), l'image est enfin reflétée par une simple vitre qui permet de la reconstituer dans le paysage réel.

-As-tu d'autres idées de travail ?

Oui, mais la réalisation en est compliquée et coûteuse! Par exemple, pour comprendre le mécanisme de circulation de l'information, je me suis rendu compte qu'il fallait établir un modèle aussi précis que possible du système par où elle transite. D'où l'idée de réaliser un simulateur analogique qui permettrait, connaissant la structure du système et l'information entrante, d'obtenir immédiatement l'information sortante ou vice versa..

- Et la spectroscopie ?

Une étude spectroscopique des O.V.N.I. devrait enregistrer en même temps:

1. La spectroscopie (intensité du champ.suivant la longueur d'onde).
2. Le temps.

Cette chronospectrographie permettrait de déceler les pulsations propres à chaque longueur d'onde; car, à supposer qu'il y ait pulsation de la lumière, il n'est pas prouvé qu'elle soit identique pour chaque longueur d'onde. Le GEPAN et VIEROUDY ont bien pensé à faire des mesures de spectros copie mais pas à l'associer avec le facteur temps. Au niveau de la réalisation, il convient de remplacer la fente du spectroscope par un point. Le spectre se réduit à une simple ligne et se forme sur un film qui l'enroule par mouvement d'horlogerie: pour un film séparant 50 traits par mm, une vitesse de 2 mm/s suffit à mettre en évidence une fréquence de 100 Hz. Ainsi pour prendre des exemples, un avion laisserait une signature bien particulière sur un tel chronospectrographe. Il en serait de même pour une météorite si on peut obtenir plusieurs secondes d'enregistrement.

On voit tout de suite l'intérêt pour éviter des confusions!

Arrives-tu à donner un tour pratique à tes idées ?

C'est le b… complet! Nos moyens ne sont pas à la mesure de nos ambitions. Nous ne pouvons tout faire à la fois et dés que nous manifestons la moindre compétence, on s'empresse de nous coller tout le travail d'une association sur le dos. Je n'ai même plus de place pour ranger mes archives et je marche sur des piles de documents non classés.

- Nous en sommes tous là!

- De plus, une recherche personnelle est indispensable. Chaque information devrait amener l'ufologue à réviser ses conceptions.

Que cherches-tu au juste?

L'ufologie étudie non des phénomènes, mais des rapports d'information. Ceci remet en question l'épistemologie elle-même puisque le scientifique qui croit chercher des faits s'attache en fait à l'information qu'ils émettent.

En fait cette ironie, cette perpétuelle remise en question de notre savoir, tout cela caractérise un homme profondément épris de vérité: Dominique a horreur qu'on lui fausse prendre des vessies pour des lanternes ou qu'on voie de l'O.V.N.I. partout. Cette volonté de précision, ainsi que cette habitude de rechercher des hypothèses interprétatives en dehors de schémas ufologiques devenus trop classiques, en irritent plus d'un. Mais ce gaillard de 34 ans, mi-sarcastique, mi-pointilleux, est un bon aiguillon pour la valeur de nos enquêtes. Et les recherches systématiques qu'il poursuit devraient grandement aider à améliorer notre méthodologie. Un dernier détail… pittoresque: lors de notre dernier coup de téléphone, il finissait d'installer les quelques 70 m de rayonnages nécessaires au classement de sa documentation!